Rue de La Rochefoucauld
En 1852, Gustave Moreau s’installe dans l’hôtel particulier du peintre François-Edouard Picot, dont il fut l’élève. Son père, Louis Moreau (1790-1862), conforté par le premier succès de Gustave au Salon des peintures, lui avait acheté la demeure, à la condition de loger ses parents jusqu’au remboursement de la dette.
Après la mort de sa mère, en 1884, et celle de son amie Alexandrine Dureux, en 1890 puis, en 1891, le décès de son ami, le peintre Elie Delaunay, auquel il succéda comme professeur à l’École des Beaux-Arts, Gustave Moreau prit la décision de transformer sa demeure en un « petit musée » dédié à son œuvre. Entre le mois de mai 1895 et le mois de septembre 1896, il chargea ainsi l’architecte Albert Lafon (1860-1935) de réaménager, d’agrandir et de surélever la maison familiale d’un étage.
Afin d’édifier une nouvelle façade, Lafon détruit la partie avant de la maison, modifiant l’agencement des pièces de l’appartement où le peintre vécut avec ses parents. Cette façade comprend quatre niveaux. Éclairé par deux baies en plein cintre, le rez-de-chaussée est à bossage de pierre. Au-dessus, un premier étage présente de grandes fenêtres rectangulaires, précédées de colonnes à chapiteau dorique qui supportent un entablement et forment de fausses loggias. Entre ces fenêtres, une tête de lion marque le milieu de la façade. Un étage supplémentaire en « brique et pierre », décoré d’une niche à sculpture creusée entre deux fenêtres à fronton, complète la composition. Un cartouche à enroulements, surplombant un joli mascaron, couronne ce niveau en rompant une frise de guirlandes ornementales. Au-dessus d’une corniche à modillons, un attique achève l’élévation, sous un comble d’ardoises.
L’artiste aménage symboliquement les salles conservées du premier étage autour de ses souvenirs et de ceux d’êtres chers. Le cabinet de réception et l’appartement (couloir, salle à manger, chambre et boudoir) de Gustave Moreau occupent le premier étage. Dans la chambre, ancien salon de la mère de l’artiste, Pauline Moreau, l’artiste rassemble les meubles qui lui sont chers et tapisse les murs de portraits de famille, dont son propre portrait, par Degas. Dans les étages supérieurs, l’architecte Lafon crée les grands ateliers, nécessaires à la présentation au public des œuvres du peintre. Il conçoit également l’escalier en spirale reliant le grand atelier du second étage et celui situé au-dessus.
Dans l’atelier du troisième étage, un meuble tournant renferme près de deux cent cinquante aquarelles. Sous les verrières des deuxième et troisième étages, de grands meubles à dessins permettent de feuilleter comme un livre plusieurs milliers de dessins.
En 1897, Gustave Moreau décide de léguer « [sa] maison sise au 14, rue de La Rochefoucauld, avec tout ce qu’elle contient : peintures, dessins, cartons, etc…, travail de cinquante années, comme aussi ce que renferment dans ladite maison , les anciens appartements occupés jadis par mon père et ma mère, à l’État » (Testament de Gustave Moreau du 10 septembre 1897). L’État accepte le legs en 1902, quatre ans après la mort de l’artiste. Le musée ouvre ses portes en 1903.