La place Adolphe-Max (anc. Vintimille) et le square Hector-Berlioz (1841-44)
La place Vintimille – Napoléon-Prométhée
L’histoire de la place Adolphe-Max (anciennement « place de Vintimille ») est intimement liée à l’aménagement, entre 1841 et 1844, du square Hector-Berlioz, à l’emplacement de l’une des pièces d’eau de la Folie-Bouxière ou Nouveau Tivoli. Dénommé initialement « square Sainte-Hélène », sous le prétexte qu’un particulier y aurait planté un saule provenant de la tombe de Napoléon, à Sainte-Hélène, ce havre de verdure reçut, en 1850, une statue de Napoléon sous la figure de Prométhée, qui scandalisa en raison de sa nudité. Face aux dégradations perpétrées par les habitants du quartier, son auteur, le sculpteur Roland Mathieu-Meusnier, demanda sa destruction.
En 1886, la Ville de Paris proposa d’y placer la statue du compositeur Hector Berlioz, exécutée en bronze par le jeune sculpteur Alfred Lenoir (1850-1920). C’est alors que le nom de l’homme illustre fut attribué au square de la place de Vintimille.
En 1941, pendant l’occupation allemande, la statue de Lenoir fut malheureusement détruite. Une statue de pierre, conçue par Georges Saupique en 1948, remplaça l’œuvre disparue. Quelques années plus tôt, au mois de janvier 1940, la place toujours dénommée « Vintimille », en raison de la rue du même nom, ouverte en 1844 et desservant le square Hector-Berlioz, devint la « place Adolphe-Max », en mémoire d’un homme politique belge, bourgmestre de Bruxelles, qui avait, entre 1914 et 1918, refusé de remplir ses fonctions pendant l’occupation allemande.
Une façade remarquable
L’immeuble situé au n° 5, dont l’entrée donne sur la rue de Vintimille, présente une façade particulièrement soignée, qui présente un décor de rinceaux et de petites roses et de feuillages divers disposés en frises sur le mur. Cet immeuble se distingue également par ses oriels, appliqué en avancée sur ses façades et, du côté de la place Adolphe-Max, à gauche de la baie vitrée.
La grande baie vitrée de l’immeuble situé au n°5, à l’angle de la rue de Vintimille
Du côté de la place Adolphe-Max, la façade de cet immeuble est percée, au premier étage, d’une grande baie vitrée, dont les fenêtres à croisillons sont séparées de fines colonnettes à chapiteau ionique et précédées d’une balustrade de pierre.
Les fenêtres du rez-de-chaussée
Le bel étage de l’immeuble repose sur un entresol, éclairé par de petites fenêtres à ras du trottoir, et sur un rez-de-chaussée aux fenêtres soigneusement décorées. L’arc surbaissé de ces fenêtres porte un linteau en ressaut, dont les claveaux sont ornés de rinceaux gravés dans la pierre. La clé trapézoïdale de l’arc, ornée de motifs en relief, se détache du reste de la composition.
Les ateliers d’artistes de la place de Vintimille
L’immeuble du n° 11, place Adolphe-Max
Dans le prolongement de la rue de Bruxelles, un immeuble assez quelconque, situé au n°11, abrita un peintre renommé : Eugène Boudin (1824-1898). Appuyé sur un rez-de-chaussée à refends, il se singularise par trois têtes, sculptées au mitan des baies du premier étage, et par un relief, au-dessus de la porte d’entrée.
Le relief surmontant la porte d’entrée de l’immeuble d’habitations situé au n°11
Ce relief représente deux petites figures drapées à l’antique, s’appuyant contre un cartouche vide couronné d’une coquille. L’enroulement inférieur du cartouche, orné d’une tête féline, retombe sur un petit entablement qui retient une draperie. Boudin y installa son atelier en 1882.
Edouard Vuillard (1868-1940)
Place Vintimille (panneau de gauche d’un dyptique), 1908-10, détrempe sur papier, 200 x 69,5 cm, 200 x 69,5 cm, New York, Guggenheim Museum
Un peu plus tard, Edouard Vuillard (1868-1940) emménagea à l’angle de la rue de Calais, au n°26, où il demeura jusqu’à la démolition de l’immeuble. Une plaque commémorative rappelle aujourd’hui que le fameux Nabi « a vécu à l’emplacement de cet immeuble de juillet 1908 à septembre 1926 ». Contraint et forcé de quitter la rue de Calais, Vuillard déménagea à l’angle de la rue de Bruxelles, dans l’immeuble situé au n°6, où il vécut jusqu’à sa mort. Depuis les fenêtres de ces deux ateliers, il pouvait contempler les promeneurs et les familiers du square Berlioz, qui lui ont fourni le sujet de plusieurs peintures.
SOURCES
La place Vintimille et le square Sainte-Hélène
« N’oublions pas la place Vintimille, place toute nouvelle et remarquable par un monument élevé, grâce à la munificence des propriétaires voisins, sans la participation financière de l’État.Chose encore plus étrange ! les souscripteurs ont laissé une large place à l’art pur. On a pratiqué un petit jardin circulaire, baptisé du nom de square Sainte-Hélène, au milieu duquel s’élève une statue en marbre, de deux mètres vingt centimètres de hauteur, représentant Napoléon et exécutée par M. Mathieu Meusnier. Un hémicycle d’arbres verts lui forme un encadrement favorable ; et près d’elle, penchant ses grêles rameaux funéraires, est un jeune saule pleureur, rejeton importé du saule pleureur qui ombrageait le tombeau de Napoléon à l’île de Sainte-Hélène. Ce bon accueil fait à la statuaire par les propriétaires de la place Vintimille est d’autant plus remarquable, que la statue dont ils ont orné leur place est tout à fait en dehors des données habituelles du sujet et dans des conditions propres à troubler l’admiration routinière. L’artiste a rompu entièrement avec la tradition. Ce n’est pas le Napoléon qui est partout, que colportent les marchands de plâtre dans toutes les campagnes, le Napoléon au petit chapeau et à la redingote, qu’il a voulu reproduire. Il a représenté le sien nu.
Cette statue a été inspirée par une phrase historique de Napoléon : « Nouveau Prométhée, le léopard de l’Angleterre me ronge le foie sur mon rocher ». Malgré cette donnée un peu mélodramatique, l’auteur a eu le bon esprit de concevoir et d’exécuter son œuvre le plus simplement possible.
La figure est debout, au repos, dans une attitude naturelle ; le bras gauche est pendant et abandonné le long du corps ; la main droite s’écarte un peu et se pose sur la tête de l’aigle, dont elle comprime l’essor désormais inutile. Cet aigle, placé aux pieds de Napoléon, semble prêt à s’élancer d’un rocher battu par les flots et où sont inscrits les noms suivants : Pyramides, Wagram, Sainte-Hélène. La figure exprime une héroïque douceur, et le front glorieux, décoré d’une couronne d’or, de feuilles de chêne et de laurier, semble porter le poids des vastes pensées et de l’adversité. Cette tête expressive donne à la figure toute sa signification. Les membres, et le torse particulièrement, sont largement modelés, et font honneur au ciseau du jeune artiste »
(« Les places publiques », Tableau de Paris, 2 v., t. 2, 1853, chapitre LXXI, pp. 308-312)
Le square Hector-Berlioz
« C’est dimanche dernier, à deux heures, qu’a eu lieu, sur le petit square de la place Vintimille, à deux pas de cette rue de Calais où Berlioz mourait en 1869. On sait qu’il y a cinq ans, sur l’initiative de M. Édouard Alexandre, son ami dévoué, un comité se formait dans ce but, sous la présidence de M. le vicomte Henri Delaborde, secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts. Fortement appuyé par la section de musique de cette Académie, par l’État, qui offrit le bronze nécessaire, par la ville de Paris, qui accorda l’emplacement, ce comité ouvrit une souscription dont les fonds suffire bientôt à l’exécution du projet, et lorsqu’il se vit en mesure, commanda la statue à un jeune sculpteur de talent, M. Alfred Lenoir.
M. Lenoir n’avait point connu Berlioz ; mais, s’aidant de diverses photographies, et surtout d’un beau portrait peint par Courbet, il a produit une œuvre sérieuse, fort distinguée, d’un excellent style et d’une ressemblance presque absolue, sinon peut-être dans la forme de la bouche et dans la position des lèvres, qui ne me paraissent pas rendre tout à fait l’expression toujours ironique et amère du modèle, même dans le repos complet de sa physionomie.
La statue, de proportions modestes, est élevée sur un piédestal de granit dont la face porte cette inscription :
A
HECTOR BERLIOZ
NÉ A LA CôTE-SAINT-ANDRÉ (ISÈRE)
le 11 décembre 1803
MORT A PARIS
le 9 mars 1869
Sur les côtés de ce piédestal sont gravés, un peu pêle-mêle peut-être, les titres des principales œuvres musicales et littéraires du grand artiste, qui fut à la fois un écrivain de race et un musicien inspiré.
La statue est adossée, si l’on peut dire, à la rue de Douai, la face tournée vers les prolongements des rues de Vintimille et de Bruxelles. Le sculpteur a voulu représenté Berlioz sous le double aspect du compositeur et du chef d’orchestre. Debout,n vêtu d’une assez longue redingote ouverte, la main gauche dans la poche du pantalon, le col entouré de la haute cravate qu’il portait toujours, le maître a le coude droit appuyé sur un pupitre placé devant lui, la tête, un peu penchée, s’appuyant sur la main droite. L’expression du visage est rêveuse, mélancolique, un peu austère. Sur le pupitre, un bâton de chef d’orchestre et diverses partitions ; au pied de la statue, plusieurs autres cahiers de musique. L’ensemble est heureux et d’un très bon aspect »
(Arthur Pougin, « Inauguration de la statue de Berlioz. Le dimanche 17 octobre 1886 », Le Ménestrel, 24 octobre 1886, numéro 47, pp. 373-377)
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