Rue Chaptal
Arie Johannes Lamme (1812-1900)
Le Grand atelier de la rue Chaptal, 1851, huile sur toile, Paris, musée de la Vie romantique
Peintre français d’origine hollandaise, Ary Scheffer (1795-1858) se rendit à Paris en 1811, après la mort précoce de son père. Accompagné par son frère et sa mère, eux-mêmes peintres, il s’inscrivit à l’École des Beaux-arts. Il y fréquenta l’atelier de Pierre-Narcisse Guérin, puis celui de Pierre-Paul Prud’hon.
Portraitiste talentueux et apprécié, Scheffer eut une carrière fulgurante et diversifiée : il pratiqua également l’art du paysage, devint un excellent peintre d’histoire contemporaine et de tableaux « littéraires » inspirés de Goethe et Byron. En 1822, la charge de professeur de dessin des enfants du duc d’Orléans confirma la réussite de ce digne représentant de l’école romantique. En 1830, l’artiste désormais célèbre s’installa dans le quartier en vogue de la Nouvelle Athènes : il y loua un pavillon, qu’un entrepreneur avait construit au fond d’une cour, en bordure de la rue Chaptal.
Arie Johannes Lamme
Façade de la maison d’Ary Scheffer, vue du jardin, 1865, huile sur toile, Paris, musée de la Vie romantique
En 1865, le peintre Lamme fit du pavillon Scheffer le sujet d’un petit tableau. L’artiste montre le rez-de-chaussée élevé de la demeure, desservi par un perron à garde-corps en ferronnerie, et l’étage, sans toutefois laisser deviner le toit à l’italienne. Il décrit en revanche largement les fenêtres cintrées et rectangulaires du pavillon, toutes dotées de persiennes à battants.
Dès 1831, Scheffer fit édifier deux ateliers au débouché de l’allée reliant la rue Chaptal à la cour : l’un pour travailler, l’autre pour recevoir. Dans l’atelier-salon, où il recevait le vendredi, il accueillit le Tout-Paris de la Monarchie de Juillet : le peintre Eugène Delacroix, Frantz Liszt et Marie d’Argoult, la célèbre cantatrice Maria Malibran, ainsi que George Sand et le compositeur Frédéric Chopin. Il travaillait dans l’atelier situé de l’autre côté de l’allée (dit « le Grand atelier »), dont il partagea les espaces avec son frère Henry (1798-1862). Par la suite, un jardin fut aménagé en bordure de la cour et la maison fut augmentée d’une serre, qui abrite aujourd’hui un salon de thé. Le jardin est désormais occupé par les tables et les chaises du salon de thé, où il est fort agréable de déjeuner à la belle saison.
Dotés d’une verrière orientée au nord, ces deux ateliers font face au pavillon. C’est aujourd’hui par l’atelier-salon que débute le parcours des expositions temporaires du musée de la Vie romantique, et par l’atelier de travail que s’achève la visite. Quant aux salles du pavillon, elles abritent les collections permanentes.
Après la mort d’Ary Scheffer, en 1858, sa fille unique Cornélia Scheffer-Marjolin se porta acquéreur de la propriété, dans l’intention de préserver les lieux de création de l’artiste. La maison de la rue Chaptal, où Cornélia et son époux René Marjolin recevaient Henri Martin, Ivan Tourgueniev et Charles Gounod, servit ensuite de salle d’exposition aux principales œuvres de Scheffer. Après le décès de Cornélia, en 1899, c’est la petite-nièce de l’artiste, Noémi Renan-Psichari qui prit possession de la propriété. Elle consacra l’atelier-salon aux œuvres de son père l’écrivain Ernest Renan et loua l’atelier de travail à des artistes. Noémi et sa fille Corrie continuèrent à accueillir la société des arts et lettres dans la propriété de la rue Chaptal : Anatole France et Pierre Puvis de Chavanne à la Belle Epoque ; puis Maurice Denis, dans les années 20, et plus tard encore André Malraux.
Vendue à l’Etat pour un montant symbolique, dans le but d’accueillir un centre universitaire d’enseignement, la propriété de la rue Chaptal, gérée par la Ville de Paris, devint, en 1982, une annexe du musée Carnavalet, sous l’appellation de « Musée Renan-Scheffer ».
Le musée réaménagé prit, en 1987, le nom de « musée de la Vie romantique ». Ses collections se composent de dépôts du musée Carnavalet, du legs Corrie et Robert Siohan, d’un ensemble d’œuvres et de souvenirs autour de La Malibran, George Sand, Rachel et Sarah Bernardt, qui avait appartenu à Jacques Chazot, complété par des achats réalisés par l’association des Amis du musée.
Rue Chaptal
L’entrée du musée de la Vie romantique, rue Chaptal
L’entrée du musée de la Vie romantique s’effectue encore aujourd’hui par l’étroite allée fermée d’une simple grille, que les familiers de Scheffer empruntaient pour lui rendre visite. Elle se faufile entre deux immeubles d’habitation de plusieurs étages. Un grand marronnier, dont les branches majestueuses et le feuillage abondant s’avancent sur la rue Chaptal, signale son emplacement.
L’allée menant à la cour
L’allée pavée menant à la cour du musée de la Vie romantique est bordée de petits parterres plantés de buissons et de marronniers. Les deux anciens ateliers de Scheffer se situent à son débouché : l’atelier-salon, à gauche ; l’atelier de travail, à droite.
Le pavillon Scheffer
Le pavillon Scheffer se dresse au fond de la cour, également pavée. Le visiteur du musée de la Vie romantique y pénètre en empruntant un petit perron qui débouche sur une la première salle d’exposition des collections permanentes. L’entresol est en revanche réservé aux ateliers de création proposés aux jeunes visiteurs.
A la gauche du pavillon, des constructions plus basses, sans doute d’anciens communs, bordent la cour en profondeur : la partie centrale, dotée d’un étage, est recouverte d’une glycine, alors qu’un petit parterre et des pots de fleurs végétalisent les abords.
Une lavandière peinte sur la fenêtre du cabinet des bijoux
La première salle du musée de la Vie romantique (dite « l’antichambre ») présente quelques tableaux d’Arie-Johannes Lamme, cousin hollandais des Scheffer, venu à Paris pour suivre leur enseignement, et futur directeur du musée Boijmans, à Rotterdam.
Le cabinet voisin, dit « cabinet des bijoux », où sont disposés les objets et œuvres d’art que George Sand reçut de sa grand-mère, Madame Dupin de Francœuil, née Aurore de Saxe, évoque l’entourage familier de la romancière.
Dans le salon George Sand, le visiteur peut admirer les portraits de la femme de lettres, par Auguste Charpentier, et celui de Maurice de Saxe, son arrière-grand-père, dessiné au pastel par Quentin de La Tour. L’illustre aïeul s’était illustré lors de la bataille de Fontenoy, sous le règne de Louis XV.
Le petit salon bleu, qui clôt la visite des salles du rez-de-chaussée, présente quelques aquarelles de la main de George Sand, ainsi qu’une présentation renouvelée de dessins tracés par les personnalités de l’époque, dont la chanteuse Maria Malibran et la tragédienne Rachel.
A l’étage, la première salle présente plusieurs portraits féminins peints dans une veine romantique, notamment celui de Pauline Viardot, par Ary Scheffer, ainsi que l’étonnant buste de bronze de Madame Mention, réalisé par Théophile Bra en 1825. Dans le salon des Orléans, auxquels Ary Scheffer restera toujours fidèle, le visiteur peut admirer plusieurs portraits d’apparat, mais aussi le buste de l’artiste, sculpté par Pierre-Jules Cavelier (1814-1894) en 1849.
Le cabinet Ary Scheffer
Les tableaux présentés dans le cabinet Ary Scheffer évoquent l’apogée de la carrière de l’artiste, qui puisait son inspiration dans l’histoire et la littérature. L’artiste interprétait les auteurs classiques, comme Dante, ou ses contemporains, en particulier Goethe et Byron. Il illustre ainsi brillamment la vogue néogothique qui marqua la peinture dans la première moitié du XIXe siècle.
Cette salle présente également un petit bronze, réalisé par Jean-François-Théodore Gechter (1796-1844), daté de 1842. Il représente La Mort de Harold, d’après le poème de Byron, qui décrit les voyages et les réflexions d’un jeune homme, archétype du héros romantique, désillusionné par une vie de plaisirs et de débauches et à la recherche de distractions dans les pays étrangers.
La chambre Renan achève la visite des collections permanentes. Elle présente notamment un beau portrait d’Ernest Renan, par son beau-père Henry Scheffer.